Améliorer la participation par l’accessibilité ?

Quelques réflexions sur l’accessibilité de nos interventions à partir de l’exemple de l’adaptation d’un outil

Rendre ses formations et animations accessibles est un vaste sujet… Nécessaire, tant nos modes de pensée sont par défaut validistes, supposant que les personnes assistant à nos interventions seront par défaut sans handicap d’aucune sorte. Et qu’on s’adaptera en cas de besoin. Oui mais…

  • il est bien plus facile d’aménager à la marge une intervention qui a été conçue dès le départ pour être accessible au plus grand nombre, que de tout repenser. Par exemple, respecter dès le départ quelques règles de mise en page de documents pour qu’ils soient lisibles par les lecteurs d’écran des personnes malvoyantes ou aveugles est plus facile que de tout reprendre de zéro pour changer de format. 
  • les handicaps, dans leurs différentes formes, permanentes comme temporaires (et que les personnes se considèrent ou non comme en situation de handicap),  sont en réalité extrêmement fréquents. De la cheville foulée à la maladie causant des douleurs chroniques en passant par une vue basse ou une audition défaillante : nous animons en fait tous les jours avec des personnes vivant avec des handicaps, que nous le sachions ou pas.

Je n’ai pas la solution magique pour proposer des interventions 100% accessibles. Ce n’est également pas toujours simple de les concevoir quand on propose du sur-mesure (certaines mesures sont plus réalistes quand on répète un contenu, et/ou quand on a une salle fixe que l’on connaît et que l’on peut aménager par exemple… même si tous les bâtiments recevant du public devraient être accessibles depuis bientôt 10 ans, mais c’est un autre débat !). 


Adopter de nouveaux réflexes de travail

Cela ne m’empêche pas d’y réfléchir et de chercher à adopter de nouveaux réflexes de travail. Avec Stéphanie Airaud, nous avons animé cette année une formation à l’intelligence collective et à l’animation participative pour l’équipe de la SCIC Hapi’Coop. Cette coopérative met en place des habitats coopératifs autonomes avec et pour des adultes en situation de handicap en Loire-Atlantique, et accompagne les collectifs d’habitant⋅es. Former cette équipe a été l’occasion de me questionner sur l’adaptation de nos méthodes et outils. 

Il en ressort : 

  • qu’une animation bien cadrée, avec une succession d’étapes toujours identiques, comme la trame-type d’une animation participative que nous avons proposé, est une vraie aide lors de rencontres récurrentes. Et ce, aussi bien pour les personnes qui animent que pour les personnes qui participent. Cela fournit des repères rassurants à tous et toutes, handicap ou non, tout en laissant de la place à la créativité et à une adaptation des contenus en fonction des sujets à traiter ! 
  • que de nombreux outils d’intelligence collective sont facilement adaptables, en gardant la méthodologie et en adaptant les supports et les consignes. L’usage des pictogrammes, du français facile à lire et à comprendre (FALC), par exemple, sont autant de voies pour faciliter la compréhension et la participation de tous et toutes.
Deux colorvotes tenus par des mains : un vote vert « OK », et un vote blanc « interrogation »

Adapter aussi les outils en cherchant la plus grande accessibilité

J’en ai profité pour adapter le color-vote que j’utilise régulièrement : 4 cartons de couleur, pour indiquer son accord, son désaccord, son besoin de clarification du sujet ou son accord sous réserve (ou avec des propositions d’amendement, de modifications).

Outil de prise de décision, de prise de température, le color-vote permet d’aborder plus facilement la prise de décision partagée et la décision par consentement, et me sert particulièrement dans les formations sur la gouvernance partagée. 

Mais il y a plusieurs écueils d’accessibilité : les couleurs tout d’abord, peu accessibles aux personnes daltoniennes, ou aux personnes qui voient mal les contrastes (selon la lumière, le vert et le jaune peuvent se confondre par exemple).

  • J’avais pensé à écrire les couleurs sur les cartons donnés aux personnes concernées. Mais comme le principe est de voir les couleurs des autres, cela aurait voulu dire écrire sur tous les cartons, ce qui n’est pas lisible vu de loin sur de si petits cartons. 
  • De plus, écrire les couleurs suppose que les personnes ont accès à la lecture du français. Ce qui n’est pas toujours le cas, que ce soit des personnes non francophones, avec un trouble de la lecture, ou avec un handicap intellectuel.
  • L’association entre des couleurs et des notions abstraites ensuite, qui demandent une mémorisation.

La solution est donc venue des pictos :

  • noir ou blanc, comme conseillé en FALC et pour avoir le maximum de contraste avec le carton
  • des signes visuels connus ou faciles à expliquer, et qui s’adaptent aux différents usages du color-vote. 
  • des gros pictos, visibles de loin. 

Avec l’aide de Ylos pour la conception graphique et la réalisation matérielle (les stickers sont découpés dans du vinyle autocollant), me voilà équipée ! 

Ce n’est certainement pas parfait, ni universel, mais je suis ravie d’avoir trouvé une solution répondant à plusieurs besoins d’un coup, et que cet outil ait gagné en accessibilité.

Faire ce travail m’a permis de réfléchir à d’autres possibilités d’adaptation vers l’accessibilité… chantier à suivre !